Régénérer le sol

Régénérer le sol et l’âme: Même dans les moments les plus sombres, il y a toujours de l’espoir

En ce début décembre, je remarque à quel point la nuit tombe de plus en plus tôt avec son froid qui pince ; comment aussi les ombres s’allongent, et le soleil glisse au nord de l’horizon à chaque nouvelle révolution de notre Terre penchée.

Avant l’hiver, il y a ce dernier sursaut qui nous illumine et aussi nous cingle, cette luminosité froide qui nous fouette l’esprit et la conscience autant que la pluie glacée et persistante d’hier.  Alors, on se retrouve comme au garde-à-vous, intensément attentifs et présents…comme si la nature elle-même nous enjoignait à prêter attention juste avant son retrait sous terre…

J’ai donc ratissé, piqué et retourné la terre dans mon petit jardin de ville, y incorporant le compost d’été pour reconstituer et nourrir ses couches les plus profondes. J’y ai niché mes bulbes et graines préférés, les crocus, les tulipes et les fleurs des champs, avec l’aspiration qu’ils éclosent et fleurissent bientôt, vibrants témoins multicolores de la résurrection printanière. Mais pour l’instant, dans la contraction de cette fin d’automne, j’attends que le gel hivernal rompe leur dormance et entame le processus de germination. En observant mon jardin, je ne sais pas avec certitude si les graines prendront, mais il y a de la magie et de l’émerveillement dans mon attente… Notre acte d’espoir personnel peut être simple.

Ce matin, le jardin est figé, la terre fraiche, presque noire sous sa couche chaude de paillis d’hiver. Je pense à l’observation de Carl Jung que la vie est alchimie et, comme cette dernière, germe dans le noir. Il faut une suspension momentanée de lumière pour ouvrir la graine à la transformation et à la manifestation de tout son potentiel. Dans notre vie aussi, une grande partie de ce que nous sommes n’est pas encore manifeste. Maladies et défaillances sont les douleurs du travail de notre psyché qui pousse nos aspects insoupçonnés et souvent résistés à naître, pour que la totalité de notre être participe. Ainsi, même dans les moments les plus sombres, il y a toujours de l’espoir.

Il y a bien longtemps, dans la Chine ancienne, les sages taoïstes enseignaient que les «10 000 choses» de notre monde continuellement émergent à la présence, restent un moment, puis retombent dans l’absence primordiale. Dans notre vie, nous le remarquons particulièrement peut-être avec les belles choses, les choses qui importent – notre Terre et sa communauté d’êtres. Les liens, la relation, l’appartenance et l’interdépendance constituent les fondements de la nature comme de l’humanité. C’est donc un petit pas entre prendre conscience et apprécier notre place dans la nature, et prendre conscience et apprécier notre relation les uns avec les autres et avec nous-mêmes.

En ce froid automnal, un post-it à moi-même et à mes clients sur l’importance, comme au jardin, de piquer et d’aérer les zones compactées et durcies en nous comme dans notre relation à l’autre. Ne pas laisser les blocages s’installer fluidifie notre être, augmente notre vitalité et bien-être psychique et invite l’harmonie dans notre vie. Pour cela, la capacité de prendre du recul et d’être plus réfléchi invite à un travail allant de l’intérieur vers l’extérieur – cherchez la graine à l’intérieur de vous!

C’est lorsque vous trouvez l’équilibre au fond de vous-même que vous pouvez l’étendre à la famille, la communauté et le monde. Les miracles se produisent lorsque vous vous en approchez – votre point de vue change. En embrassant tout ce que vous êtes, vous êtes enfin enracinés. De là, plutôt que de rechercher le prochain pic à conquérir, il suffit juste de ressentir l’essence sacrée de ce qu’est l’être humain. Notre conscience s’élargit alors à un profond sentiment de l’unité du tout ; c’est dans ces moments que nous nous sentons le plus intensément vivants. Le bouddhisme appelle cette conscience accrue «la pleine conscience» et souligne à quel point elle est profondément enracinée dans le corps.

Lorsque nous sommes pleinement présents à nous-mêmes, nous participons à une expérience profonde de la réalité qui dépasse le cadre personnel, culturel ou historique. C’est cette participation qui nous met en relation avec notre dimension transpersonnelle. Par ce lien, cette reconnexion permet à nos racines de plonger et de grandir dans le sol de notre être. Quelle meilleure façon de fleurir là où nous sommes plantés!